Nous sommes de plus en plus nombreux sur une planète fragilisée. C’est un fait, les surfaces constructibles deviennent plus rares, les prix des logements ne cessent d’augmenter. En parallèle, les ressources s’amenuisent.
Les contraintes économiques poussent aujourd’hui l’architecture vers des projets extra-normés, avec des systèmes constructifs à faibles épaisseurs et très souvent incapables d’auto-réguler les fluctuations de température et d’humidité. La mise en place de nombreux labels et règlementations a façonné des projets massivement dépendants de la technologie, avec une production d’énergie grise qui a triplé en trente ans. Qu’en est-il de nos villes de demain ?
Nous préconisons une approche aux matériaux biosourcés et géosourcés, qui tienne compte des usages des lieux.
Notre intention est ainsi de développer des projets en cohérence avec les ressources qui sont aujourd’hui abondantes, dont les répercussions sur l’environnement sont moindres, tout en visant un confort spatial et hygiénique optimal.
400 à 500 millions de tonnes de déblais seront excavées des chantiers d’Ile-de-France dans les 15 prochaines années, soit 20 à 35 millions de tonnes par an. (1) Ces déblais représentant environ 90% des déchets urbains, constituent un problème central pour tous les chantiers d’Île-de-France. Leur stockage limité localement coûte cher (près de 500€ / tonne / mois). Leur déplacement est encore plus cher et il alourdi le bilan carbone des chantiers.
Matériau ancestral de construction, la terre a disparu de nos pratiques d’architectes pendant plusieurs décennies. Liée à une démarche durable mais aussi sensible, notre ambition est d’introduire des projets en terre au sein de nos villes.
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1. Source: le PREDEC, d'après "Terre de Paris", Pavillon de l’Arsenal
LA CONSTRUCTION TERRE : HISTOIRE
La terre est l’un des premiers matériaux de construction dont les méthodes multimillénaires sont répandues à travers le monde, de la Grande Muraille de Chine à la Grande Mosquée de Djenné au Mali. En France nous comptons un patrimoine très important de bâtisses en terre, vieilles de plusieurs centaines d’années. Le principe du déblai-remblais était encore pratiqué à l’époque du baron Haussmann, où les terres excavées du métro servaient alors à créer les parcs de la capitale.
Grande oubliée de l’architecture contemporaine, la terre est pourtant abondante sur le territoire, moins énergivore et facilement réutilisable. Elle s’affirme comme un matériau de construction intemporel répondant aux enjeux d’une construction responsable.
CONTEXTE
Après plus de 60 ans de désuétude, la terre fait à nouveau apparition dans le paysage constructif contemporain. L’éveil des consciences environnementales a favorisé les recherches de méthodes constructives moins énergivores, locales, mettant en oeuvre des matériaux renouvelables ou issus de filière de recyclage /réemploi. La terre répond naturellement à toutes ces attentes. C’est un matériau qui ne nécessite pas ou peu de transformations avant mise en oeuvre. Qui plus est, en fin de vie, elle peut retourner à son état initial.
Dans le contexte plus spécifique du Grand Paris, la construction en terre offre une solution aux millions de tonnes de terres excavées annuelles. La Société du Grand Paris l’a bien compris en lançant début 2017 un concours pour le réemploi des terres excavées de Paris.
La TERRE COULÉE est un mélange d’argile, de sable, de gravier et de liquéfiant, qui peut être préfabriqué (prémurs) ou encore directement coulé dans des banches métalliques. Cette technique permet d’utiliser l’outillage d’entreprises de gros œuvre traditionnel et d’obtenir ainsi des coûts de mise en œuvre identiques à ceux du béton tout en ayant un matériau plus respectueux de l’environnement.
En plus de sa qualité esthétique, la terre coulée bénéficie des mêmes caractéristiques d’inertie thermique et de régulation hygrométrique que le pisé, bien meilleures que le béton. Des recherches sont actuellement en cours en France et en Suisse pour trouver le liquéfiant idéal permettant de raccourcir davantage les temps de décoffrage et assurer le recyclage total de la terre lors de la déconstruction.
Le PISÉ est un mélange polyvalent d’argile de sable et de gravier battu avec un pisoir entre des banches : murs porteurs à forte inertie, autorisant des migrations de vapeur d’eau, il change de comportement avec les saisons : fraicheur en été, chaleur en hiver, tout en battant des records de longévité (durée de vie d’un bâtiment supérieure à 100ans). Les techniques traditionnelles de protection consistent à inclure dans la masse du mur et affleurant sa surface, des rangées de tuiles ou le cas échéant des lignes de mortier destinées à briser l’érosion par l’eau. Le pisé dit stabilisé résiste à l’eau grâce à l’ajout de 5% de chaux liquide ou de ciment. Toutefois cette dernière technique réduit la recyclabilité après déconstruction. La résistance du pisé peut être multipliée par l’ajout d’un tissu de fibres à intervalles réguliers entre les couches. En effet les chaines de forces qui se créent entre les grains de pisé (gravier et sable) transfèrent la charge de compression vers la fibre sous forme de tensions. Cela augmente les applications structurelles réalisables avec le pisé.
La BTC (brique de terre comprimée) est une évolution de la brique de terre crue ou adobe. Il s’agit d’une brique calibrée non cuite, contenant un mélange d’argile et sable d’une granulométrie de 0,5 à 0,8mm. Tout comme le pisé, elle peut être stabilisée par l’ajout d’une part de chaux (<10%).
Ses principaux avantages, en plus des propriétés générales de toutes constructions en terre, résident dans :
. la préfabrication
. la facilité de mise en œuvre
. le faible coût du matériaux, environ 30€ / m2.
La BTC peut être utilisée en tant que porteur sur de faibles hauteurs, mais nous privilégierons son usage sur des murs non structurels, en remplissage d’une ossature bois.
Un travail sur le long court a permis une véritable expérimentation sur la question constructible de la terre. Dans une optique d’approfondissement, notre réflexion s’est accompagnée d’une collecte de données et de mises en relations avec des partenaires formés sur le sujet afin d’aboutir à une étude précise. Notre intention est ainsi de mener à bien ce processus, de la recherche à la pratique.
TERRE TERRE est le témoin de notre savoir-faire et annonciateur de possibilités constructives dans Paris.
SAME est exposé à la biennale d’architecture de Venise pour le projet TERRE TERRE
Exposition Young European Architects organisée par CA’ASI La maison commune d’Architecture Studio